Prix de Photographie
Olivier Jobard
« Après avoir fui les talibans, Sima, Aziza, Mehrab et Sohrab, quatre sœurs et frères réfugiés afghans, construisent leur avenir entre Paris et La Roche-sur-Yon. Derrière eux, une vie envolée. Cette existence disparue, ce qu’on laisse derrière soi, le prix à payer pour la liberté, tel est l’objet du travail que je souhaite accomplir.
L’Afghanistan a connu en août 2021 un bouleversement historique, lorsque les Talibans ont repris le pouvoir. La milice rigoriste a remis le pays au pas, interdit l’éducation à la majorité des femmes et fait appliquer une adaptation fondamentaliste de la loi islamique. Des centaines de milliers d’Afghans, craignant des représailles, ont fui le pays.
L’Histoire m’est devenue intime lorsque Ghorban, mon filleul républicain d’origine afghane, a fait sortir du pays ses quatre frères et sœurs.
Ils ont fui en une journée, sans rien emporter. À leur arrivée en France, en août 2021, j’ai commencé à documenter leur nouvelle vie à La Roche-sur-Yon. Âgés de dix-sept à vingt-deux ans, ils trouvent leurs marques et doivent tout apprendre. Le français, un métier, une culture. Ils n’ont pas le luxe de regarder en arrière, mais la solitude leur pèse. Leur cœur est là-bas. Branchés sur leurs smartphones, ils discutent tous les jours avec ceux qui sont restés : parents, proches, amis, amoureux (pour certains).
Ghorban sait que ses quatre frères et sœurs sont au début d’un pénible parcours d’intégration, car il l’a lui-même vécu en 2010. Lorsque je l’ai accompagné en Afghanistan, en 2017, j’ai rencontré sa fratrie dans les montagnes reculées de Ghor. Ils vivaient dans une minuscule maison de terre et cultivaient un maigre champ d’opium. Je n’imaginais pas une seconde les retrouver un jour en France.
En douze ans passés à photographier Ghorban, nous avons tissé des liens forts. Il est proche d’Elias et de Léon, mes fils cadets. Avec la fratrie, la confiance a donc été spontanée, réciproque. Ma famille s’est agrandie et mon approche photographique s’est faite intime.
Je m’attache à mettre en images le sentiment de perte, de déracinement qui accompagne leur exil, celui de ce surréel été afghan 2021. Lors de mes voyages dans le nouvel Afghanistan des talibans, je retrouve des traces de leur passé. Cet album de souvenirs altérés sera mis en parallèle avec leur intégration française.Mon projet s’inscrit plus largement dans la continuité d’un travail documentaire sur l’homme en migration, entrepris il y a vingt ans. À travers l’histoire de Sima, Aziza, Mehrab et Sohrab, dans leur vie liée à la mienne, je tiens à mettre en lumière cette immigration singulière qui est la France de demain. »
“”Notre famille afghane, souvenirs d’une vie envolée” sera exposé du 10 octobre au 24 novembre 2024 au Pavillon Comtesse de Caen, Palais de l’Institut de France.
Les finalistes 2022 : William Daniels, Claude Iverné et Pierre de Vallombreuse.